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Zero Trust : une règle aussi pour les humains ? | Cyberleaders

A l’occasion de l’édition 2025 du Forum inCyber, Olivier Parent a publié un article pour la revue Cyberlearder : « Zero Trust : une règle aussi pour les humains ? ». Cet article est à lire en gardant en tête la conférence qu’Olivier à donné en plénière au cours du Forum (voir https://prospectiviste.fr/zero-trust-et-science-fiction-forum-incyber-2025/).

Il va de soi que, dès son origine, le concept Zero Trust s’est adressé au monde professionnel et concerne plus particulièrement les « relations » entre les machines, les protocoles de communication et d’identification — authentification — entre les services, les ordinateurs et l’ensemble des périphériques impliqués dans le monde informatique, toile de fond de notre quotidien. Pourtant la prudence à laquelle appelle ce Zero Trust pourrait bien trouver des applications dans les relations entre les humains et les espaces informatique, les réseaux et autres mondes virtuels et persistants et les IA, nos futurs compagnons dans ce voyage quotidien entre mondes tangible et virtuels. La science-fiction nous apporte quelques beaux exemples de ce florilège de ces relations.

Le Zero Trust au service des relations humains et machines

De prime abord, on pourrait dire que les questions d’authentification seront, demain, de trois grands types : d’une part, il s’agira de comprendre les enjeux des preuves de la personne dans le monde tangible quand les interfaces de celui-ci utiliseront de plus en plus de systèmes dématérialisés, puis ceux de la connexion des individus humains aux futurs systèmes virtuels et, enfin, les défis des relations de ces systèmes devenus plus ou moins autonomes et conscients avec cette même humanité qui comprend de moins en moins ses propres créations…  

Pour explorer le quotidien des humains dans un monde qui se fie de plus en plus à des outils numériques pour identifier les usagers, on pourrait poser la question comme suit : que dois-je fournir pour prouver que c’est bien « moi » qui cherche à se connecter à tel système, à telle administration ? ». Dans le film Bienvenue à Gattaca, la question est résolue au moyen de l’ADN, une goutte de sang sert de « sésame ». Dans le jeu Detroit: Become Human comme dans le terrible épisode Haine virtuelle de la saison 3 de la série Black Mirror, c’est la reconnaissance faciale qui permet aux individus d’être reconnus par les divers systèmes. Dans une veine un peu moins dystopique, on pourrait citer le film Her de Spike Jonze (2013) en se demandant si c’est le schéma psychologique, le comportement amoureux qui permet à Samantha d’identifier son amant humain ? On le comprend bien : aujourd’hui comme demain, ce sera à l’usager de faire la preuve de son identité. Par quels moyens ? Comment les rendre robustes au piratage ? La question reste ouverte… d’autant plus que, si dans un État de droit « analogique », la présomption d’innocence prime dans les questions de justice, dans ce même État « dématérialisé » à venir, ce pourrait bien être la présomption de fraude qui s’impose… Tout cela étant dit sans jamais oublier qu’il suffit d’un « bug » pour faire capoter tout le système, c’est ce que nous rappelle Brazil le film de Terry Gilliam (1985). 

Vient ensuite la question de la connexion d’un individu aux réseaux en prenant comme exemple un film tel que Ready Player One de Steven Spielberg (2018). Celui-ci permet d’aborder un autre aspect de l’authentification d’un individu sur un système numérique. Il s’agit de l’éternelle et irrésoluble question de l’anonymat sur les réseaux. On le sait, la violence constatée sur les réseaux sociaux est souvent adossée à un anonymat auquel les usagers s’attachent résolument. Cela leur permet de déverser toute leur bile sans risque de rétorsion : les providers, X (anciennement Twitter), Facebook, TikTok… tirent leur revenus des audiences générées par ces flots de haine, ces logorrhées nauséabondes sans limites… De son côté, Ready Player One tire sur la veine citoyenne de l’anonymat numérique : il permet l’activation d’autres types d’action, par exemple celle de lanceur d’alerte. Demain, c’est le postulat du film, les actions militantes seront portées dans les mondes virtuels et persistants, ce qu’on nomme les Métavers. Si, aujourd’hui, ces derniers ont encore à faire la preuve de leur utilité, il faut faire confiance aux promoteurs de ces nouveaux espaces pour bientôt nous proposer des systèmes d’interfaces humain-machine qui donneront toutes justification d’existence à ces systèmes qui seront une nouvelle manière de capter le pouvoir d’achat des usagers… Il ne faut jamais douter des capacités d’innovations des propriétaires de systèmes capables de générer des dividendes ! Ce moment venu, il sera temps de se poser la question de la citoyenneté dans les mondes virtuels persistants… 

Vient le troisième type de relations qui nécessitera une robustesse d’authentification. On parle ici des futures relations entre l’humanité et les systèmes d’intelligence artificielle à venir . Là, on aborde des dimensions plus ontologiques, c’est-à-dire liées aux relations entre l’être humain et l’être artificiel, dès lors que l’on aborde la notion d’intelligence artificielle généraliste (AGI, Artificial Generalist Intelligence)qui, éventuellement, doterait ces systèmes artificiels d’une conscience — une conscience d’eux-mêmes (Computo ergo sum) et de ce qui les entourent, le monde tangible et les humains, leur alter ego biologiques. Ce nouveau statut de personne artificielle allant de paire avec des droits et des devoirs qui restent à être définis… Le film Ex Machina d’Andrew Niccol (2014) traite de ce moment, celui où une IA pourra revendiquer ce statut de personne artificielle. Sans attendre que la fiction se réalise, dès aujourd’hui, on est en droit de s’interroger : quelle sera la procédure d’évaluation — des capacités cognitives et d’autonomie de conscience —, quel protocole d’authentification de ce nouvel état d’AGI à « adosser » à ces éventuelles futures personnes artificielles ? En effet, à l’inverse des humains qui n’ont pas à prouver leur humanité, demain, il sera peut-être demandé à une IA de prouver en permanence de ses capacités d’AGI consciente ? On toucherait là à un degré extrême du Zero Trust puisque la preuve de la conscience d’une IA devrait être apportée en permanence par celle-ci quand elle s’adresse à un humain ou quand elle prend le contrôle de systèmes informatiques inférieurs à elle en termes de conscience. A moins que, comme dans le film Mars Express (2023), le marché reste la seule mesure de toute innovation, ce qui ramènerait l’IA, qu’elle soit généraliste ou non, au seul statut d’objet industriel qui peut donc être retiré de la circulation quand l’humanité le décide, pour être remplacé par une innovation plus performante.

Manipuler la confiance pour manipuler l’humanité

Dans ces mondes ultra technologiques, quels moyens aura l’individu, qu’il soit biologique ou artificiel, pour apporter en permanence la preuve de son authenticité, son identité ou son état conscient ? Cette question est d’autant plus prégnante quand on aborde des dimensions sociétales… quand le Zero Trust est pris à contre pied, pour asseoir un pouvoir. C’est le genre de situation que décrit le film Elysium de Neill Blomkamp (2013). Là, une minorité impose sa définition de l’être humain et s’accorde la liberté d’asservir une majorité. Dans ce film, cette élite s’est arrachée au sol même de notre planète pour s’installer dans une station spatiale en orbite de la Terre, Elysium, tout ce système de classe reposant sur un critère de naissance, ou plutôt de lieu d’habitation. Le fait d’être identifié comme résident d’Elysium ouvre l’accès à tous les trésors de la technologie, le confort ou les medbox, ces cabines de téléconsultations et de soins aux capacités quasiment magiques. Celles et ceux qui sont nés et habitent la Terre sont condamnés à une vie de misère, sous la férule d’une police robotique en charge du respect de ces dispositions cette apartheid futuriste. Comme dans beaucoup d’œuvres de SF, ces machines sont censées porter assistance à « l’humanité ». Il suffit de restreindre la définition de cette même humanité au lieu d’habitation pour s’apercevoir que le Zero Trust peut-être perverti. Le film est la chronique d’une révolte annoncée… qui redonnera aux machines une définition exhaustive de l’humanité… jusqu’à la prochaine crise !  

Le Zero Trust challengé par des situations émergentes 

A-t-on fait le tour des questions du Zero Trust appliquées à l’individu et à la société, dans un système qui tend à se dématérialiser ? Peut-être pas… Car voici au moins deux autres interrogations qui méritent que nous nous penchions dessus : la première est la question du tire automatique létal. Le film Elysium traite de cette question en autorisant les systèmes de sécurité autonomes, des robots policiers, à tirer sur les humains terrestres parce que ceux-ci ne sont pas « humains » aux yeux des machines… Dans Chappie, toujours de Neill Blomkamp, comme dans Elysium, la violence des machines est une réponse à la violence des manifestants… et le tire devient létal. Est-on prêt, dans notre présent, à envisager de telles situations de tir potentiellement mortel sans décision humaine ? Aujourd’hui, il existe un lieu où cette situation est mise en œuvre quotidiennement : la zone démilitarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. Depuis une dizaine d’années, Samsung, pour la Corée du Sud, a déployé un système de tir létal autonome… Là, point de Zero Trust. C’est un algorithme qui évalue la menace et qui prend la décision… Du côté français, il existe aussi un cas de tire automatique létal : à bord des navires de la marine nationale, en cas d’attaque par des systèmes d’arme à très haute vélocité, les systèmes de défense ne disposent que de quelques secondes pour s’enclencher quand la menace émerge au dessus de l’horizon. Là, les systèmes de défense se déclenchent avant même que les humains aient eu le temps d’évaluer la situation ; ce système présupposant qu’il n’y a pas d’humains à bord des engins d’attaque… Mais la question demeure sur la table…

L’autre et dernier cas qui interroge la notion ontologique du Zero Trust est abordée dans le film Total Recall: Mémoires reprogrammées. Là, le héros est confronté à une réalité alternative : celle d’un autre lui-même avant que sa mémoire et donc sa personnalité aient été modifiée par l’implant de faux souvenirs. Dès aujourd’hui, ce qui nous semble être de la science-fiction n’en est plus vraiment : en laboratoire, on a appris à des souris à avoir peur d’un lieu en leur implantant de faux souvenirs… Même si on reste loin du moment où chacun d’entre nous pourra se faire implanter le souvenir d’une expérience, d’une compétence ou d’une émotion… ne touchera-t-on pas là au sommet des enjeux du Zero Trust ? Quels moyens me permettront de me prouver à moi-même que je suis bien celui qui croit être ce qu’il est ? Question abyssale. Christopher Nolan avait abordé cette question dans son film Inception (2010). Il traitait la manipulation de la mémoire d’un individu par des moyens analogiques, au moyen de souvenirs implantés par des rêveurs-hackeurs… Dans Total Recall, comme dans nos laboratoire, c’est au moyen de la technologie qu’un jour on pourra manipuler la personnalité d’un individu… 

Alors, demain sera-t-il un monde définitivement sans confiance possible parce que nous serons tous potentiellement hackés ? Ou alors, comment mettre en œuvre aujourd’hui les conditions d’un monde qui se construise sur un Zero Trust au bénéfice des individus et des collectivités, aussi bien tangibles que virtuels ? 

Collaboration avec inCyber News | Rédactionnel

Depuis octobre 2023, Olivier Parent écrit tous les mois une chronique d’analyse d’une œuvre de science-fiction pour inCyber News, le média de la confiance numérique. Ce qu’Olivier fait pour le CNES depuis 2017, autour des questions spatiales, il le réalise pour inCyber dans les domaines du numérique et, de la cybersécurité. Il pourrait faire de même pour votre domaine d’activité, afin de montrer son importance et l’attention que votre organisation y prête.

Voici la liste des œuvres qu’Olivier a traité depuis 2023 :

CyberLeaders | Forum inCyber Europe | Lille 2024 | Publication

Olivier Parent à contribué au numéro 2024 de la revue CyberLeaders publiée à l’occasion du Forum inCyber Europe qui se déroule à Lille, les 26, 27 et 28 mars 2024. L’article a pour titre : « IA : êtes-vous prêts ? ». La revue est en vente sur le stand InCyber du forum (Grand Palais) et à la librairie du Furet du Nord les 3 jours de l’événement.


IA : êtes-vous prêts ?

Y a-t-il un sens à essayer de répondre à une question telle que « Sommes-nous prêts à l’intelligence artificielle ? », sachant que cette question interroge aussi bien les individus que les organisations humaines… sachant que les algorithmes que l’on pratique et qui nous fascinent depuis maintenant plus d’un an ne sont que la première émergence notable de ce qui pourrait un jour devenir une altérité artificielle faisant face à l’humanité… sachant que, pour le moment, ces algorithmes qualifiés d’intelligences artificielles sont surtout l’actuel avatar de systèmes informatiques en perpétuelle évolution et avec lesquels vont s’écrire l’histoire des humains et celle de leurs relations avec les machines…

Alors, afin d’essayer de trouver quelques éléments de réponses à cette question complexe, on peut se pencher vers la science-fiction pour essayer d’appréhender la complexité de relations humain-machine en devenir.

Les récits dystopiques comme point de départ de cette enquête

Commençons par le pire de ces relations, avec des sagas de science-fiction telles que Terminator (1984-2019) ou Matrix (1999-2021). Là, l’humanité est condamnée à affronter une intelligence artificielle qui ne voit dans l’humanité — elle qui pourtant lui a donné naissance — qu’une nuisance dont il faut se débarrasser ou une ressource qu’il faut exploiter avec méthode et durabilité ! Il en va de même dans le film I, robot d’Alex Proyas (2004), adapté du Cycle des robots d’Isaac Asimov, avec peut être un degré de moins dans le pire : là, une superintelligence trop bienveillante, Viky, décide de prendre en main le destin d’une humanité qu’elle juge incapable et nuisible pour elle-même et l’environnement…

Des IA pas toutes au même niveau de développement

Dans l’un ou l’autre de ces films, l’humanité est confrontée à une intelligence artificielle au dernier stade de son développement, ce qu’on appelle une superintelligence, les deux précédents stades étant l’intelligence artificielle faible ou étroite, pour le premier stade — les algorithmes génératifs tels qu’aujourd’hui nous les connaissons et pratiquons — et pour le second, les intelligences généralistes ou fortes, à qui on associe généralement l’état de conscience.
Cette évolution des intelligences artificielles, d’étroites à superintelligences, en passant par les généralistes, est exactement l’évolution que va suivre l’IA dont Theodore Twombly va tomber amoureux, dans le film Her de Spike Jonze (2014) : d’un simple système d’exploitation informatique capable d’adaptation, Samantha va devenir une personne artificielle dotée d’un — apparent — libre arbitre qui, à la fin du film, va « rompre » avec Theodore : Samantha révèle qu’elle et ses congénères artificielles ont développé une culture qui leur est propre, leurs capacités artificielles les faisant évoluer à des vitesses incompatibles avec la nature biologique de leurs amants platoniques. Ces IA devenues superintelligences décident de se retirer de l’histoire de l’humanité, laissant cette dernière seule avec ses états d’âme d’amoureuse éconduite !
Ainsi, de l’annihilation, on est passé à l’asservissement pour en arriver à une incompatibilité froide et distante… Nos relations avec l’IA sont-elles condamnées à n’être que néfastes pour nous ?

L’IA est-elle soluble dans la société humaine ?

Un auteur de science-fiction a intégré dans son œuvre cette apparente incompatibilité de l’IA avec l’humanité. Il s’agit de Frank Herbert. Dans son cycle de roman, Dune (1965-1984), les IA sont interdites d’usage et de fabrication suite à une guerre historique, le Jihad butlérien, qui avait fait suite à une révolte des machines contre leur créateurs. Un autre auteur en arrive à cette conclusion d’incompatibilité : c’est Isaac Asimov, le créateur des lois de la robotique. Dans le Cycle des robots (1956-1986), Herbert raconte l’histoire de l’apprentissage humain des relations avec des robots anthropomorphes, tout d’abord dotés d’une intelligence artificielle émergente — étroite — de jusqu’à l’intelligence généraliste. Ces récits l’amènent à la conclusion que le robot intelligent, tout bienveillant qu’il soit — les lois de la robotique l’oblige à cette attitude —, doit néanmoins se retirer de l’équation de l’évolution des sociétés humaines : la robotique stérilise l’esprit d’initiative, l’esprit d’entreprise, l’esprit d’aventure qui doit rester au cœur de l’humanité. Là, point de violence mais une analyse objective : en la protégeant de tout risque et anticipant ses désirs, l’intelligence artificielle en arrive à priver l’humanité de son libre arbitre.
Dans ces conditions, l’humanité peut-elle se déclarer prête à l’intelligence artificielle ? Les superintelligences restent de l’ordre de la fiction et les IA généralistes bien qu’annoncées brillent encore par leur absence. Cependant, on est bien obligé de constater que les IA, toutes étroites qu’elles puissent être aujourd’hui, bouleversent notre quotidien. Alors, quel discours tenir ? Quelle position prendre ?

De relations sous tension à d’autres plus apaisées ?

A nouveau, deux œuvres de science-fiction peuvent nous éclairer. La première, de manière cynique, nous rappelle que l’IA, qu’elle soit étroite ou généraliste, n’en reste pas moins qu’un produit de l’industrie humaine. Il s’agit du film Mars Express de Jérémie Périn, sorti en novembre 2023, dans lequel les produit IA, même quand ils tendent à une forme de conscience — imitation ? —, n’en restent pas moins soumis aux lois du marché : quand un produit devient obsolète, désuet, on le retire du marché au profit de nouveaux produits. Point barre…
L’autre éclairage nous vient du film Robot and Frank (2012). Ce petit film, loin d’être un blockbuster, met en scène une intelligence étroite qui agit dans le monde tangible au moyen d’un corps robotique. Cette machine est programmée pour accompagner le héros humain du film, un humain vieillissant et grincheux. Orgueilleux, à tort ou à raison, il ne veut dépendre de personne, humain ou machine, malgré les défaillance dues à son âge. Le film se fait alors l’histoire d’une forme de rémission et surtout celle de la reconstitution du lien humain au travers de l’assistance qu’apporte la machine. Ce film est la figuration du pari que s’apprête à prendre le Japon qui développe à tour de bras des machines qui doivent au plus vite assister sa population vieillissante.
Alors, à la suite de l’énumération des risques liés aux IA… en arrive-t-on à une possible relation d’assistance ? Ira-t-on jusqu’à parler d’augmentation ou même de coopération ?

Vers une robotique — physique ou non — coopérative. Un pari à tenter ?

Une chose est sûre, au-delà de la fascination dans laquelle l’humanité semble être tombée à la suite de l’arrivée sur le marché des IA génératives, les intelligences artificielles sont en passe de rendre à cette même humanité des services extraordinaires. Ce n’est pas cet homme hémiplégique qui nous dira le contraire : en Suisse, il est en train de réapprendre à marcher grâce à un pont numérique qui « répare » sa moelle épinière rompue. C’est une IA qui assure l’interprétation des signaux neurologiques qui lui permettent de bouger ses jambes. Ce n’est pas non plus cette femme, victime d’un locked in syndrom : aux USA, une IA interprète son électroencéphalogramme et lui permet à nouveau de dialoguer avec son entourage au moyen d’une voix de synthèse. On pourrait tout aussi bien parler des gestes professionnels augmentés par l’IA : c’est moins impressionnant que les exemples qui Hviennent d’être cités mais cela concerne un plus grand de personnes. On parle ici du geste du chirurgien ou de celui de l’ouvrier qui, l’un et l’autre, bénéficient d’exosquelettes spécialisés à leur tâches. Là aussi, l’IA joue un rôle fondamental dans l’anticipation et l’accompagnement du geste professionnel au moyen d’interfaces physiques, robotiques.
Point commun à tous ces exemples ? L’IA est considérée comme un outil. Et comme tout outil qui se respecte, l’IA n’a pas de valeur morale. C’est l’intention humaine qui pilote la main qui tient l’outil qui donne sa valeur morale au geste accompli. Ne nous leurrons pas : nous sommes tous tentés de donner plus de valeur, plus d’autonomie aux intelligences artificielles. Il suffit de voir comment certains d’entre nous les consultent comme on le faisait dans la Grèce antique avec la Pythie de Delphes ! Cependant, des risques sociétaux liés à l’usage des IA telles que nous les connaissons existent, à ne parler que du (grand) remplacement de la main-d’œuvre humaine par l’IA. Ne pourrait-on alors profiter de cette occasion pour se pencher sur la définition que nos sociétés donnent du travail ? Car si l’IA appliquée au travail peut évidemment soulager l’humain de tâches répétitives et astreignantes, elle ne doit pas pour autant priver l’humanité de son droit à une existence digne. Ne faudrait-il pas imaginer et trouver les moyens de généraliser les notions d’augmentation ou de coopération ? On retrouve cette notion dans le mot cobotique : une robotique de la coopération où l’humain reste au centre des attentions. Pari osé, n’est-ce pas ? Il fait face à la tentation des seules attentes de rentabilité et de profit, ces deux autres moteurs de l’évolution de nos sociétés.

Olivier Parent, directeur d’études prospectives au Comptoir Prospectiviste.fr et fondateur de FuturHebdo.fr, le média de nos futurs immédiats.

Scénarios de mobilité pour des temps incertains | INfluencia | Publication

Article écrit par Christian Gatard à l’occasion des 20 ans d’INfluencia
et publié dans le numéro spécial du magazine en vente ici : 
https://buy.stripe.com/9AQdU60TngB0goweVk


La mobilité c’est la grande aventure de l’humanité. Il y a eu le Rift africain dont on dit qu’il fut son berceau. Il y a eu le Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre dont on dit que la pandémie a multiplié les lecteurs. La mobilité est un concept généreux, fait de distance, d’accessibilité , de vitesse, d’échanges, de diffusions… Elle joue un rôle fondateur dans le développement des sociétés humaines tout autant que dans celui du bébé qui marche à quatre pattes pour rattraper son hochet.

Voilà qui est dit. Avec une introduction en forme de tel grand écart il va falloir faire des choix. De quelle mobilité parler pour ne pas enfoncer des portes ouvertes ? La métaphore est bien sûr choisie ici tout exprès puisqu’une porte ouverte incite à sortir explorer le monde et donc se déplacer. Et se déplacer c’est encore et toujours une aventure … en terre inconnue même pour traverser la rue pour acheter une baguette ou trouver un travail.

De fait pour traverser la rue il y aura toujours la marche à pied dont le corps médical dit le plus grand bien. Pour autant traverser la rue en regardant une série sur son smartphone n’est pas recommandé. Aujourd’hui. Dans quelques années ce même smartphone omniscient vous alertera de l’arrivée imminente du cycliste débouchant à toute allure. Épuisons donc rapidement le sujet : l’intelligence artificielle va gérer avec de plus en plus d’efficacité la mobilité urbaine. Les taxis-drones pourront tout autant gérer les paramètres de vol et la complexité d’un trafic de milliers d’engins au-dessus de votre tête. Des ailes volantes géantes, hybrides de dirigeables, parcourront le ciel sans jamais se poser au sol. Vous les rejoindrez en navette. Enfin, vous, c’est-à-dire les urbains aisés et un peu blasés par les mobilités douces et actives : le vélo, la trottinette, la roue (tout ça électrique) et peut-être la marche aussi avec un discret exosquelette télescopique qui vous fera faire vos 10.000 pas sans douleur. Parce que vous- autres, les lycéens ruraux obligés d’attraper le bus aux aurores, c’est moins sûr. Les dirigeables au-dessus des campagnes, ce sera beaucoup moins rentable. 

D’ici 2050, 7 personnes sur dix dans le monde vivront en milieu urbain. Dans quel état ? Un continuum rural-urbain est en train d’émerger. Il va falloir prendre en compte la connectivité entre les zones et les différents types de liens entre les zones urbaines et rurales. Les fractures territoriales ne seront peut-être pas des précipices. L’enthousiasme technologique ça ne mange pas de pain. La mobilité du futur se veut déjà plus verte, plus propre, plus durable en tout cas en ville et, avec un peu de chance, sur les territoires.

Mais au-delà de la mise en scène plus ou moins spectaculaire du solutionnisme technologique dont les médias font leur miel ,  une chose est sûre c’est que rien n’est sûr. Ce que les enfants apprennent aujourd’hui sera inutile dans trente ans.  85% des emplois de 2030 n’existent pas encore, 75% des entreprises cotées en bourse auront disparu dans les 10 qui viennent. Bref, la prospective est un boulot sans avenir mais il faut bien que quelqu’un s’y mette.

Pour repérer dès aujourd’hui quelques clés de compréhension de la mobilité du futur on a peut-être intérêt à cerner ce qui se passe dans notre rapport personnel à l’espace et au temps. Le temps de notre quotidien, l’espace de nos écosystèmes. 

Le train et l’avion avaient fait penser le rapport au monde différemment : temps et distance chamboulés, vertige de la vitesse, enjeux environnementaux, aventures et découvertes …un océan de fictions, de contes et légendes, de créations artistiques ! Les technologies de rupture comme l’IA, l’hydrogène, l’ordinateur quantique vont influer sur les enjeux de mobilité. Mais la mobilité du futur ne se réduira pas à la technologie – toute créative et fascinante qu’elle soit.   

Regardons donc du côté des signaux qui pointent vers quelques émergences possibles.  

La mobilité cognitive : un instrument de navigation dans un monde où chacun devra se débrouiller pour vivre ou survivre ?

Éloge anticipé de la vitesse et de la mobilité physique

S’il y a bien une piste qui va éclairer le monde qui vient c’est l’hybridation. En voici une.

A priori la mobilité cognitive est plutôt l’affaire des neuropsychologues. Elle ne concerne pas les déplacements physiques, soyons prudent. On sait que c’est la capacité d’utiliser ses compétences cognitives, telles que la pensée critique, la résolution de problèmes, la créativité, la mémoire, l’apprentissage, la flexibilité mentale et d’autres fonctions intellectuelles, de manière flexible et efficace dans différentes situations et contextes. 

Si on hybride mobilité cognitive et information multimodale on pointe la capacité de regrouper toutes les informations disponibles sur les possibilités de déplacement, par tout mode de transport, avec un large panel de contenus et de supports utilisés. 

Quel qu’il soit, le futur imposera à chacun de se débrouiller avec les moyens du bord : son intelligence, son instinct, ses recettes… Si on prolonge les courbes de ce que l’on voit en ce moment les futures mobilités quotidiennes seront des mini-aventures – quasiment un jeu survivaliste. Et à chaque fois qu’une nouvelle offre de transport apparaitra ce sera comme si un nouveau niveau de jeu se débloque. Les futurs GPS et autres applications de l’IA seront évidemment de la partie. Il faudra être malin et équipé des technologies embarquées dernier cri comme une géolocalisation au centimètre près, des offres intelligentes d’intermodalité et d’optimisation de parcours dans la jungle des villes… et on pourra survivre à la traversée de la rue.

La mobilité immobile : le pilotage d’une vie rêvée dans un monde ermite ?

Éloge anticipé de la tanière et de la mobilité virtuelle

Autant la mobilité cognitive laisse envisager un avenir de déplacements géographiques à la carte (si on peut dire) et,  en tout cas,  hors les murs de chez soi, autant l’imaginaire d’une mobilité immobile sent le confinement… quel qu’en soit la cause. La pandémie est bien sûr dans les mémoires – avec ses profiteurs trop contents de pouvoir faire un pause dans une vie hors d’haleine et ses résistants furieux qu’on leur impose une séquestration qu’ils ont imaginé orchestrée par quelque état profond. Mais on peut anticiper bien des raisons de reconfiner chez soi, dans des communautés fermées, dans des archipels socio-économiques, dans des cités-états jalouses de leurs territoires. Suivez mon regard : le dérèglement climatique, la menace terroriste, une guerre… Seulement voilà : pas besoin que ces scenarios soient activés pour de bon dans le monde réel.  Leur anticipation dans l’imaginaire collectif, dans les légendes urbaines, dans les rumeurs propagées par les réseaux sociaux va agir comme énoncé performatif et convaincre chacun qu’on est mieux chez soi (ou dans quelque endroit qui fait qu’on s’y sent mieux que dehors). La société ermite est annoncée.

C’est là qu’immobilisée géographiquement une population apeurée ou peut-être tout simplement fatiguée du vacarme du monde va décider de se poser. Il y en aura pour tous les goûts. Le shifting va séduire toutes les générations : cette manière de voyager par la pensée grâce à l’autohypnose en s’inventant des mondes imaginaires et des réalités alternatives. Le LSD va revenir en force. La méditation et le mysticisme en chambre vont permettre de s’évader d’un quotidien trop dur.

Cette radicalisation des expériences ne sera après tout qu’un prolongement du binge-watching des séries sur plateforme. Dans la tanière des réalités augmentées, hologrammées, tarifées seront mises en scène. Ce sera spectaculaire. Pourquoi sortir de chez soi ?

La Mobilité virtuelle instantanée : la centrifugeuse informationnelle ?

Éloge anticipé de l’équipement omnipotent

Autant la mobilité immobile est une illustration de forces centripètes qui poussent à rester chez soi sans mettre le nez dehors, autant la mobilité virtuelle instantanée va illustrer le potentiel d’un dispositif technologique, mobile ou pas. Ce scenario est celui de la montée en puissance des équipements de communication qui permettent à chacun de tout faire non seulement depuis chez soi mais n’importe où dans le monde. A partir du moment où vous pouvez vous connecter à internet, vous pouvez avoir accès aux mêmes personnes et informations que l’employé dans son bureau. Vous pouvez bien sûr prendre des décisions, gérer, commander, manager. Que vous soyez en train de camper en Mongolie  ou siroter un café à San Francisco ce qui compte n’est pas là où vous êtes mais ce que vos compétences vous permettent de faire. Demain l’AI on device  sur l’appareil « jouera un rôle essentiel dans la création d’expériences puissantes, rapides, personnelles, efficaces, sécurisées et hautement optimisées ».  Le smartphone du futur sera un assistant personnel avec IA générative intégrée dans la puce.

La Mobilité paisible : l’injonction de douceur dans un monde de brut ?

Éloge anticipé de la lenteur et de la mobilité modérée

A côté de ces deux scenarios de mobilité – qui vont coexister et qui ne seront pas si tendus que ça parce qu’on se fait à tout et que le futur fait souvent peur mais,  quand on sera dedans,on s’y fera – il y a bien quelques anticipations plus ou moins utopiques.

Les mouvements valorisant le fait de ralentir le rythme déchaîné des travaux et des jours

suscitent un intérêt depuis longtemps.  L’enjeu est d’assumer un autre rapport au temps, permettant de reprendre le contrôle, de prendre ses distances vis-à-vis des injonctions de la société de consommation. La stratégie du slow n’est pas récente. Elle a été initiée en 1986 en Italie. Si elle a commencé avec le slow food elle nous intéresse ici dans ses « déclinaisons mobiles ».

Cette mobilité douce a pour agenda explicite de sauver la planète. Elle fait appel aux modes de mobilité actifs – c’est-à-dire qui ne mobilise que la seule énergie humaine : la marche à pied, le vélo, la trottinette, le roller, la roue électrique et tous les transports respectueux de l’environnement.

Ses bénéfices sont nombreux : réduction de la pollution, augmentation de l’activité physique, meilleure santé physique, augmentation de la qualité de vie et des conditions de transports, etc. 

Pour autant le mouvement slow – et en particulier dans sa déclinaison sur la mobilité – reste, au mieux,  un succès d’estime. Les relations entre trottinettistes bobo et chauffards de SUV bourrin vont demeurer rugueuses. S’il y a un invariant dans l’histoire de l’humanité c’est bien son appétit pour la controverse. On peut anticiper que la mobilité paisible sera le rêve de minorités moquées et conspuées qui croient encore à une utopie sur la planète.

La Mobilité ludique : l’utopie d’une mobilité est confiée aux artistes et aux gamers ?

Éloge anticipé du réenchantement 

Le  lien social n’est pas en très bon état et ça ne va pas aller en s’arrangeant. Et si la ville devenait un terrain de jeu. Une ville qui se transformerait au gré des événements et des saisons. Déambuler dans cette ville du futur sera source d’émerveillement et de réconciliation sociale. Les quais de la Seine se sont déjà transformés en bords de plage, les murs des immeubles en écrans de cinéma ou en supports de tableaux numériques… Hacker la ville, retourner l’espace et l’embellir sera le but de mouvements spontanés applaudis par les résidents comme par les visiteurs.  Tricoter un poteau ou une fontaine, planter un semi sur un terrain vague, tags et street art, ou occuper une place de parking, l’imagination des citadins pour s’approprier l’espace urbain et imaginer un futur sera le nouveau vivre ensemble de la mobilité… Concours de street Badminton, terrasses mobiles, recyclage de cagettes en cabane temporaire, voiture-jardin, terrain de mini-golf, potagers, espace bibliothèque, lieux d’échanges et de partages, installations et performances artistiques… autant d’initiatives pour imaginer de nouveaux espaces de vie en milieu urbain et de nouveaux usages de la ville de demain. Il est donc possible que l’on voit, d’ici quelques années, une réappropriation du centre-ville par les habitants.  Les artistes de la nouvelle mobilité seront les sources d’inspiration des citoyens, des édiles, des commerçants. Cela se concrétisera par un état d’esprit assez radical: il s’agit de réenchanter la ville en fluidifiant et en théâtralisant les flux. 

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On peut toujours fantasmer différents futurs et les isoler pour les besoins de la démonstration. La mobilité qui vient sera peut-être un bricolage de ces différentes hypothèses. 

FuturHebdo #07 « Industrie zéro carbone en 2050 : un horizon atteignable ? » | IHEST | Consulting et Publication

Voici le nouveau numéro de Futurhebdo, le magazine de nos futurs immédiats. Il a été conçu en collaboration avec l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), à la suite de l’université territoriale : « Industrie zéro carbone en 2050 : un horizon atteignable pour la Métropole Rouen – Normandie ? », événement lui aussi conçu par l’IHEST dans lequel le Comptoir Prospectiviste assurait la partie prospective.

Les 1er et 2 décembre 2022, cette université a rassemblé près de 80 acteurs du territoire de Rouen, industriels, associatifs, agents territoriaux et élus, dont messieurs Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen-Normandie, et Abdelkrim Marchani, son vice-président à la Métropole. Ils ont pu entendre Pierre Musso, philosophe, François Bost, économiste, Catherine Guermon, EcoAct et Pierre Giorgini, prospectiviste.

Ils ont également reçu les témoignages de cinq autres territoires engagés dans cette démarche de décarbonation : la Vallée de la chimie, Lyon, Dunkerque et son projet TIGA, la région Occitanie, Nantes – Saint-Nazaire et leurs « Énergies nouvelles » et Hambourg, Allemagne. Ils sont aussi participé à trois ateliers dont utilisant la démarche prospective.

Ce document s’appuie sur les prises de paroles des uns et des autres, hommes et femmes de conviction qui partagent leurs visions des enjeux qui se présentent à la France et à ses territoires sur le long chemin qui doit mener à la nécessaire décarbonation de nos activités industrielles.

Bonne lecture !


Vous trouverez ce numéro 7, et les numéros précédents de FuturHebdo,
dans la boutique du Comptoir Prospectiviste : https://prospectiviste.fr/boutique/

À consulter aussi sur le site de l’IHEST :
https://www.ihest.fr/futurhebdo-x-ihest-industrie-zero-carbone-en-2050-un-horizon-atteignable/

 

FuturHebdo Anthologies Prospectives #04 est paru | Publication

La nouvelle mouture du recueil FuturHebdo Anthologies Prospectives vient de paraître. Dans ce numéro, des articles des trois comparses du Comptoir Prospectiviste (Olivier Parent, Christian Gatard, Patrick Delcourt), d’autres textes des invités habituels (Nathalie Viet, Luc Dellisse) et d’autres encore de nouveaux venus dans les pages de FHAP : ce sont Raphaële Bidault-Waddington, Georges Amar, Anne-Cécile Violin, Philippe Jourdan et Jean-Claude Pacitto.

Bonne lecture !

Vous trouverez ce numéro 4, et les numéros précédents, dans la boutique du Comptoir Prospectiviste : https://prospectiviste.fr/boutique/

EDITO : La crise sanitaire qui nous frappe a pris tout le monde de court. Elle met en lumière le manque d’anticipation de nos sociétés. Elle déstabilise tous les acteurs, y compris les plus éclairés de nos économistes ou de nos politiques.

La Prospective, comme les autres observateurs de la société, ne peut échapper à la nécessaire introspection que les organisations humaines, aujourd’hui, s’imposent. Il faut cependant rester prudent quant à la responsabilité qui serait celle de la prospective de ne pas avoir anticipé la crise qui frappe le monde.

Certains prospectivistes clament haut et fort qu’ils ont envisagé une pandémie mais n’ont pas été écoutés… D’autres, s’auto-flagellent et s’essayent désormais à réduire les délais temporels avec lesquels la prospective joue pour s’attacher à une prospective du présent… D’autres encore rappellent simplement que la prospective n’est pas une boule de cristal, que sa vocation première est d’accompagner, dans une indispensable confiance, les activités humaines pour les éclairer d’une lumière autre que celle du résultat immédiat ou de la productivité.

La pandémie met aussi en danger certains fondements de la prospective. Elle pourrait, par exemple, la priver d’une pensée libre de toute contrainte pour l’obliger à s’engager dans une posture solutionniste.


Et pourtant, aujourd’hui comme demain, la Prospective reste l’analyse de conséquences issues de postulats identifiés. Elle devra donc continuer à créer des écosystèmes spéculatifs dans lesquels se déploieront des scénarios. Ceux-ci serviront à tracer la cartographie des futurs des organisations qui la sollicitent. Malgré les légitimes chocs post-traumatiques, elle devra continuer à pousser les curseurs, quitte à choquer : ses recommandations devront être encore plus robustes et justifiées… En contre- partie, le commanditaire devra accepter d’être bousculé : si la prospective dérange, elle ne le fera jamais gratuitement, elle s’y engage !

On le rappelle, la prospective n’a pas la science infuse, elle n’est pas plus un art divinatoire ! Elle est un outil au service du dé- cideur, sans se subs- tituer à lui. Plus que jamais, la prospective doit être envisagée comme un moyen d’anticipation au ser- vice d’une décision responsable, pour ins- pirer la construction d’une société post- crise. Faut-il encore lui donner l’occasion d’y participer.

Dans les pages qui suivent, nous vous proposons quelques morceaux choisis de ces tentatives de repenser le monde !

FuturHebdo Anthologies Prospectives #03 est paru | Publication

La nouvelle mouture de recueil FuturHebdo Anthologies Prospectives vient de paraître. Il sera envoyé à certains privilégiés. D’autres en recevrons un exemplaire lors de nos diverses rencontres… Le prochain numéro pourra être commandé en ligne. Dans ce numéro, des articles des trois comparses du Comptoir Prospectiviste (Olivier Parent, Christian Gatard, Patrick Delcourt) et d’autre de Nathalie Viet, Luc Dellisse, Thomas Michaud et Lorenzo Soccavo. Bonne lecture !

A télécharger en pdf ICI.

EDITORIALE : Cet automne 2019, le Comptoir Prospectiviste fête ses quatre années d’activité. Pour Christian Gatard, Patrick Delcourt et moi-même, la création de ce bureau d’études en prospective stratégique concrétisait plu- sieurs années de consulting en prospective réalisées comme indépendants, auprès de divers organismes, qu’ils soient privés, publics ou associatifs.

Cet anniversaire est aussi l’occasion de se pencher sur l’intérêt toujours plus marqué que le marché prête à la prospective.

Beaucoup de choses sont dites sur la prospective… bien que ce qui en est dit ait tendance à confondre prospective et futurisme, prospective et innovation, prospective et design… A l’évidence, la prospective a besoin des visions du futurisme, de la recension des innovations et de la créativité du design… Une fois ces éléments et d’autres rassemblés, c’est l’étude des conséquences de ces éléments, les postulats de la prospective, sur le corps biologique, entrepreneurial, associatif, social ou étatique qui sont la Prospective.

La prospective peut être ascendante (forecasting) : on étudie les possibles qui se présentent en fonction des postulats de bases. La prospective peut être descendante (backcasting) : on étudie les conditions nécessaires pour arriver à un futur imposé… peu importe les méthodes utilisées, réalistes, constructivistes… tant que cette démarche intellectuelle permet de repenser le présent, celui de l’individu, de l’entre- prise, de toutes organisations humaines.

En ayant conscience de ses racines intellectuelles (histoire, sciences « dures » ou « molles » — économie, sciences humaines et sociales — études de marchés qualitatives…), la prospective se révèle alors être un formidable outil d’aide à la décision. Chacun est invité à s’emparer de la Prospective pour construire un avenir dans lequel indécision et indétermination sont minimisées par la mise en valeur de l’émergence d’une culture polyvalente. Ce numéro de FutuHebdo Anticipations Prospectives en rend compte à sa manière.

Alors, laissez-vous séduire par cet étrange côté de la réalité, où l’histoire jaillit du passé pour percuter le présent et plonge vers l’avenir… où le futur vient percuter le présent sans qu’on ait, semble-t-il, les moyens d’appréhender ce déferlement d’événements ! C’est là que la prospective intervient : elle prend le relais de l’historien ou celui du sociologue, elle fait taire le collapsologue et invite le présent à se réveiller de sa torpeur consumériste.

Alors, bienvenue dans le présent : C’est la plus belle aventure à vivre ! La prospective va devenir votre compas pour naviguer au milieu de ce que la plupart ne perçoit que comme « incertain » !

LES ENTRETIENS DE FUTURHEBDO #02 : GILLES BABINET

Toujours dans le renouvellement de l’exploration du présent, à la lumière d’avenirs multiples, FuturHebdo propose une série d’interviews de personnalités qui, chacune dans leur domaine, sont à la jonction de la société du savoir, de la recherche, et du grand public. Chacune de ses personnalités nous propose sa vision de la place des sciences dans nos sociétés modernes, de la vulgarisation, de la prospective, cette interrogation du présent par le futur…

Tous les interviews seront construits selon la même structure afin de permettre une lecture comparée de ces interviews, entre eux, d’en faire une lecture synoptique.
Aujoud’hui : Gilles Babinet, Digital Champion de la France auprès de l’UE
Olivier Parent (FuturHebdo) : Bonjour, Pouvez vous nous dire où nous sommes et vous présenter en quelques mots ? Quelles sont vos activités dans les domaines des sciences ?
Gille Babinet : C’est un sujet qui me passionne depuis toujours car c’est au cœur de la révolution… le capital humain, et donc je m’intéresse à la foi à ce que sont les pédagogies pour le jeune âge, l’école primaire en particulier et en même temps à l’enseignement supérieure et les formations professionnelles. Et, d’une façon plus générale : comment est ce qu’on apprend à innover, comment on apprend travailler dans des logiques de rupture car c’est passionnant. 
Donc dans ce cadre, j’ai plusieurs activités : je suis au conseil d’administration d’une start up qui fait des mooks. Je suis très impliqué dans l’institut Montaigne. On vient de publier un rapport sur l’enseignement supérieur et numérique, et puis c’est un sujet que j’aborde dans mes livres et conférences.